Bonjour,
deux discussions récentes m'amènent à mettre par écrit un constat et des
questions que je me pose depuis longtemps. Une de ces discussions est
dans [discuss] (fil "un tutoriel pour libreoffice Writer"), l'autre dans
[users] (fil "Initiation laborieuse à Base").
Par-delà les nuances Writer/Base, par-delà les opinions qui s'expriment,
on lit en creux la question qui sous-tend tout système éducatif : quels
développements ? comment enseigner ? Et, bien sûr : quelles utilisations ?
J'aimerais aujourd'hui replacer dans ce cadre nos outils bureautiques et
la manière de les promouvoir, de les présenter, d'en enseigner l'usage
et, surtout, de les utiliser.
Un peu d'histoire...
Les outils bureautiques sont apparus pratiquement avec le PC, soit au
tout début des années 80. Je me souviens avoir utilisé vers 1982 mon
tout premier tableur, Microsoft Multiplan. Vint ensuite le traitement de
texte Textor (cocorico !). Bientôt (1990), ce fut l'adieu aux interfaces
"texte" et l'avènement des interfaces graphiques -- sur PC ce fut
Windows 3 qui donna le véritable coup d'envoi -- qui amena les outils
Excel et Word.
Les éditeurs (à cette époque, face à Microsoft existaient encore
WordPerfect, WordStar, Lotus 1-2-3, Quattro et sans doute d'autres que
j'ai oubliés) mettaient tous en avant la "facilité" de la prise en mains
et combien "intuitifs" [1] étaient leurs outils. Ceux-ci étaient (et
sont encore) farcis de bitogniaux pour "aller plus vite", d'outils "de
productivité" (histoire de plaire aux décideurs) et autres améliorations
toutes plus mirifiques les unes que les autres.
C'est ainsi que naquit la Grande Ambiguïté.
Celle qui fit que le terme "bureautique" fut adopté -- ô erreur -- avec
son cortège, principalement "traitement de textes = machine à écrire" et
"tableur = calculatrice". Funestes assimilations qui font encore sentir
leurs pleins effets. Aujourd'hui, à cause de ces approximations, *tout
le monde* continue de prendre le traitement de textes pour ce qu'il
n'est pas.
Résultats ?
Le premier c'est que la productivité est non seulement inexistante mais
je ne connais pas d'utilisateur qui ne se batte *contre* le logiciel
alors que celui-ci dispose de tous les outils pour *aider* ! Dans cette
situation, parler d'outil "intuitif" relève du mensonge le plus éhonté.
Mensonge pourtant gobé avec délices par tous et quel que soit l'outil,
libre ou privateur.
Le deuxième c'est que les formations à la bureautique, singulièrement au
traitement de textes, sont totalement inadaptées et poursuivent sur la
voie tracée, ordinateur = machine à écrire.
Le troisième, c'est le premier. L'utilisateur est trompé. Il rentre de
formation en pensant que ce sera facile alors que ça ne l'est *pas*.
Le dernier est pervers. C'est que les développeurs se trouvent forcés
dans l'ornière tracée par la dialectique et le marketing initiaux et se
trouvent contraints d'abonder dans le sens de l'"intuitif" et du
"facile". C'est ainsi qu'on voit apparaître de prétendues améliorations
qui compliquent la vie au lieu de la simplifier. Mais ça fait tellement
chouette sur les plaquettes !
Alors, que faire ?
Tout d'abord, enseigner "juste". C'est-à-dire ne *jamais* dire que c'est
facile. Bien au contraire. C'est difficile mais tellement gratifiant une
fois maîtrisé (et ça va plus vite qu'on ne pense).
Ensuite, développer "juste" : pour un véritable usage raisonné des
outils, dans la droite ligne de ce que les concepteurs (pas les
marketeux, hein ?) de StarOffice ont mis en place, eux. Par exemple,
perfectionner les styles (créer des styles de tableaux, améliorer les
style d'images).
Enseigner juste
C'est mettre en avant les outils réellement productifs : les styles, les
modèles. C'est occulter les outils qui occasionnent de la perte de temps
(quand se décidera-t-on à supprimer la barre d'outils de formatage ?)
C'est surtout donner du recul à l'utilisateur. "Tout est clou pour qui
possède un marteau." (Maslow). Récemment, j'ai vu, de mes yeux vu, et
j'en suis encore tout retourné, un utilisateur d'OOo réaliser un
organigramme au moyen de... Calc ! Véridique. J'en pleure tous les soirs.
C'est d'ailleurs ce recul qui est le plus difficile à avoir.
L'utilisateur a le nez dans le guidon. Comment lui demander d'avoir du
recul ? Comment faire en sorte qu'il ait les clefs suffisantes pour
adopter le "bon" outil lorsqu'il a un problème à résoudre ? Le bon outil
c'est celui qu'on possède... On tourne en rond.
Développer juste
C'est produire du logiciel qui soit véritablement au service de tous ses
utilisateurs. Qui ne mette pas en avant de pseudo-fonctionnalités, plus
contraignantes qu'elles n'apportent de solution ; par exemple, la mise
en forme directe devrait être difficile à apporter, les styles et les
modèles mis en avant. Pourquoi ne pas produire un outil (de traitement
de textes) à deux niveaux : un pour les experts en conception, l'autre
pour les rédacteurs, utilisant les productions des premiers. Ça, ce
serait aller dans le sens de l'éducation des utilisateurs et non dans
celui des marketeux (facilité, facilité...).
Bon, je n'ai guère de réponses. Des idées mais pas les réponses.
À vous la Terre. C'étaient mes deux sous du dimanche qui auront, je
l'espère contribué à la réflexion.
[1] Qui fait appel à l’intuition, qui est automatique, inné et ne fait
pas ou peu appel à la raison. (http://fr.wiktionary.org/wiki/intuitif)
Amicalement,
--
Jean-Francois Nifenecker, Bordeaux
--
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- [fr-discuss] Les outils bureautiques - développement - formation - usages · Jean-Francois Nifenecker
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